Dans ce dossier, nous nageons en pleins stéréotypes, terrain miné et passionnant. Qu’est-ce qu’un Québécois ou une Québécoise? Comment se voient-ils? Quelle image d’eux-mêmes voudraient-ils projeter? Et, à l’inverse, pour qui détesteraient-ils qu’on les prenne? Y a-t-il des vrais et des faux Québécois? Parmi les portraits-robots les plus fréquents, nous avons d’ailleurs relevé les types de Québécois suivants : le patenteux (imaginatif mais sans argent), le cultivateur (vaillant et terre à terre), la femme d’affaires (très compétente, mais vulnérable sur le plan sentimental), le harceleur (qui finit par se faire taper sur les doigts), le fêtard (qui aime boire un coup, mais qui n’est pas méchant), le malhonnête (c’est en réalité un individu qui n’a pas peur d’affronter la tyrannie de la société, et que son père battait), etc.
La petite étude qui suit a été réalisée en 1995. Cela permettra aux jeunes étudiants de mieux apprécier la grandeur des générations qui les ont précédés.
Cinq Québécoises et cinq Québécois des années 2000
Pour observer les stéréotypes, rien ne vaut la télévision. Dans les films ou les téléromans, certains rôles sont universels : l’environnement physique et culturel s’efface alors devant l’être profondément humain qui occupe l’écran. On oublie alors que la scène se passe dans le Kalahari ou sur les rives du fleuve Jaune. Dans d’autres cas, au contraire, le personnage ne se déplace jamais sans une panoplie de clichés : expressions locales, « sacres », accents, ceinture fléchée, tabous à ne pas transgresser, gros conformisme, manies. Le personnage est d’abord Québécois avant d’être médecin, secrétaire, financier, artiste, dragueur, cocu, déprimé, perdu, manipulateur, farceur ou bienfaiteur.
Les Québécois vus par eux-mêmes et vus par les autres
Pour en savoir plus, il faut encore une fois faire appel à des méthodes quantitatives : ici, le sondage d’opinion. Nous vous proposons d’examiner les 11 affirmations suivantes et, pour mettre un peu de piquant, nous vous demandons d’estimer vous-même la proportion de Québécois, d’Ontariens et de résidants de la Colombie-Britannique qui auraient été d’accord avec chacune d’entre elles (la 12e rubrique du sondage est fournie en prime!). D’après vous, par exemple, y a-t-il beaucoup de Québécois qui se définissent d’abord comme Québécois plutôt que comme Canadien? Les réponses au sondage viendront plus loin : vous aurez alors la chance de mesurer l’écart entre les perceptions des gens et l’idée que vous vous faites de ces perceptions.
- 1. Je me définis d’abord comme résidant de ma province plutôt que comme Canadien.
- 2. Nous devrions manger, boire et être heureux, car nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve.
- 3. Les femmes ayant de jeunes enfants devraient rester à la maison.
- 4. Ça ne me dérangerait pas si un de mes enfants était homosexuel.
- 5. Il est acceptable de fumer de la marijuana.
- 6. Le mois dernier, j’ai lu un livre.
- 7. Les Québécois sont chialeux.
- 8. Les Ontariens sont violents.
- 9. J’interdirais à mes invités (à souper) de fumer dans ma maison.
- 10. Le nouveau gouvernement fédéral va privilégier le Québec.
- 11. L’adultère est inacceptable
- 12. Combien de relations sexuelles avez-vous par mois, en moyenne?
Cinq Québécois des années 1950
Croyez-vous au père Noël?
Les vieilles superstitions sont d’autant plus tenaces qu’elles permettent à certains d’accepter leur sort, et à d’autres d’éviter de regarder les choses en face. Ainsi, une écrasante majorité d’Occidentaux croient encore que l’astrologie est une science exacte.
Jupiter est aligné avec les roues de ma bicyclette.
« Je suis né le 24 septembre à 6 h 12, au moment où Jupiter était aligné avec le Verseau : c’est pourquoi j’aime l’eau, la foudre et le bingo (je joue le 24-6-12) ». Avec de telles précisions, il parait difficile de mettre en doute le sérieux d’une telle affirmation. Et pourtant, que signifient ces données? S’agit-il de l’heure d’été, de l’heure d’hiver, de l’heure de la capitale, de l’heure moyenne? S’agit-il du calendrier babylonien, julien, grégorien, ou d’une année bissextile? Jupiter serait-elle toujours alignée si on la regardait depuis Mars? Faut-il tenir compte de la précession des équinoxes, qui a fait en sorte que l’apparition des constellations du zodiaque, décalée d’un bon mois depuis l’antiquité, ne correspond plus aux dates officielles des signes astrologiques? Il n’est pas difficile de constater que l’astrologie n’a rien à voir avec la rigueur scientifique que nous prêchons dans ce manuel, ce qui n’enlève rien à son intérêt en tant que sujet d’étude des croyances humaines. Le New Scientist de Londres, a interrogé 25 000 personnes dans plus de 20 pays (Source : Courrier international, 8 juin 1995). C’est le Canada, où 69 % de gens qui pensent que l’astrologie est une science exacte, qui obtient la médaille d’or de la superstition. Les autres pays occidentaux suivent. Les Russes, comme la plupart des habitants de l’ancien bloc communiste, demeurent plus sceptiques : 18 % d’entre eux croient à l’astrologie.
Le nouveau pari pascalien.
Faut-il croire au père Noël, ne serait-ce que pour ne pas le fâcher au cas où il existerait vraiment? C’est ce que font 37 % des Canadiens adultes (Source : La Presse, 21 décembre 1994, d’après un sondage Gallup). Diriez-vous que les Québécois y croient encore plus que les autres? Vous auriez tort, car c’est au Québec que le scepticisme est le plus élevé : 27 % croient au père Noël, contre 37 % en Ontario et 42 % en Colombie-Britannique (voir figure D7.1). Plus on va vers l’ouest, plus on est crédule : faut-il y voir l’influence de quelque planète?
Des fleurs s’il vous plait, on aime ça
Le consommateur est roi.
Le dernier sondage que nous vous proposons dans ce dossier porte sur le consommateur québécois. On lit dans Les Affaires du 21 janvier 1995 que « le consommateur québécois est un débrouillard qui s’adapte facilement… Le consommateur québécois est devenu entrepreneurial… Le consommateur est devenu astucieux dans ses achats et il a appris à profiter d’une série de situations qui lui permettent d’augmenter sa capacité d’acquérir des biens ». Bien sûr, le sondage ne se limite pas à cela : on y retrouve une série de résultats chiffrés.
Tout ce jargon, digne d’un vendeur d’aspirateurs, n’est pas aussi vide de sens qu’il en a l’air au premier abord. Après tout, les courtisans ne s’y prenaient pas autrement lorsqu’ils s’adressaient au souverain.
Que diriez-vous si les journaux d’affaires publiaient des enquêtes montrant les tares et défauts des consommateurs? Auriez-vous encore envie d’acheter ces journaux? Il faut être conscient que les sondages qui paraissent dans les médias ne sont pas toujours totalement innocents.