On piétine un drapeau.
À Versailles, le 1er octobre 1789, la famille royale assiste à un banquet en l’honneur du régiment des Flandres. Pendant que l’orchestre attaque Ô Richard, ô mon roi, l’univers t’abandonne, les invités, excités par le vin, piétinent le drapeau tricolore. Pendant ce temps, le pain, source presque unique de nourriture pour bien des gens, manque à Paris.
Parfois, une banale provocation peut, dans le contexte approprié, avoir des conséquences historiques. Quelques jours après l’incident, les Parisiennes marchent sur Versailles pour aller réclamer du pain au roi. Les méchantes langues disent que la reine s’étonna que, faute de pain, le peuple n’eût pas pensé à manger de la brioche. Le 6 octobre, la foule en cortège ramène la famille royale, et quelques charrettes de pain, à Paris.
Le 21 janvier 1793, à 10 h 22, en même temps que Louis XVI, c’est la monarchie et le pouvoir absolu qui sont guillotinés.
Au Siècle des lumières, la faim n’a pas encore disparu.
Au XVIIIe siècle, le Siècle des lumières, le peuple français souffre encore périodiquement de la faim. Pour en savoir plus long, nous avons extrait quelques chiffres du livre Machinisme et bien-être de Jean Fourastié. Le tableau D6.1 montre que la variable clé n’est pas tant le salaire du chef de famille (qui est stable) que le prix du pain (qui fluctue beaucoup). Nous avons complété ce tableau par quelques données prises dans le corps du texte de Jean Fourastié (voir tableau D6.2).
Notre hypothèse est que le salaire du travailleur ne lui permet pas toujours de bien nourrir sa famille : à la veille de la Révolution de 1789, le peuple français n’est toujours pas à l’abri de la famine. Nous supposerons, pour notre mini-étude, que la famille typique se compose de 5 personnes (voir tableau D6.2),que le salaire est principalement consacré à l’alimentation (le « pain quotidien »), et qu’un kilogramme de blé équivaut à un kilogramme de pain.
Pour vérifier notre hypothèse, nous devons convertir le « gagne-pain » (le salaire) en calories. C’est ce que nous faisons, étape par étape dans le tableau D6.3 pour deux années typiques : 1785 (année difficile) et 1765 (année relativement faste). La figure D6.1 (schéma de variables) reprend la même démarche sans les chiffres.
Explication du tableau
Le tableau D6.3 montre bien que c’est le prix du pain qui a la plus grande influence sur le niveau de vie de la famille du travailleur. En 1765, année où le prix du blé est très bas, chaque membre de la famille mange à sa faim (2368 calories) sans toutefois atteindre le niveau recommandé (2860 : voir tableau D6.2). En 1785, quelques années à peine avant la Révolution, la consommation est bien inférieure aux besoins.
Explication du schéma
L’alimentation d’une famille moyenne (apport calorique moyen par jour : case bleue au pied du schéma) dépend du salaire horaire du chef de famille et du prix du blé (cases beiges : nos deux variables clés). La hausse du salaire améliore l’alimentation (signe positif sur la flèche), alors que la hausse du prix la détériore (signe négatif sur la flèche).
Nous n’avons pas considéré le nombre de membres par famille, d’heures de travail par jour et de jours de travail par an (cases vertes) comme de véritables variables. Dans le premier cas, il s’agit de situations particulières alors que nous nous intéressons à la vie du peuple en général. Dans les deux autres, la marge de manoeuvre est faible compte tenu du temps disponible et des coutumes (la messe du dimanche et les fêtes religieuses). Comme pour les cases beiges, le signe indique le sens de la relation (directe ou inverse).
Les cases blanches sont de simples constantes de conversion et n’ont pas d’influence sur la situation. En effet, même si on inventait le kilo de 1200 grammes, ça ne ferait pas plus de pain sur la table.
L’apport calorique moyen par jour (dernière case du schéma, dont il ne part aucune flèche) représente la variable d’arrivée. Les autres cases bleues sont des variables intermédiaires qui nous permettent d’arriver au résultat final.