Apprendre à lire et à écrire le chinois n’est pas chose facile, même en Chine.
À cause de sa complexité, l’écriture chinoise est longtemps demeurée l’apanage de la classe dominante. Depuis la proclamation de la république (en 1911) et plus encore depuis la révolution de 1949, la réforme de l’écriture chinoise est à l’ordre du jour. On a songé à transcrire le chinois en alphabet latin (le système pinyin), comme cela a déjà été fait, par exemple, pour le vietnamien. Un élève vietnamien peut en effet apprendre à écrire en 100 heures alors qu’il en faut 500 pour un élève chinois.
Toutefois, l’utilisation de l’alphabet latin pose de gros problèmes. Il y a en chinois beaucoup de mots différents qui ont la même prononciation et donc la même transcription en alphabet phonétique pinyin. Écrits en caractères chinois, ces mots perdent leur ambiguïté, un peu comme les mots français ô, oh, eau, au, haut, os qui ne se distinguent que par leur orthographe différente. C’est pourquoi l’alphabet phonétique pinyin n’a eu qu’un succès limité. Il sert surtout à orthographier les noms propres de façon standardisée (Mao Zedong, Sichuan et Beijing) et à enseigner le chinois aux étudiants étrangers débutants.
D’ailleurs, les caractères chinois possèdent un avantage évident. Ils permettent à un Pékinois, un Cantonais et un Japonais de communiquer — de façon élémentaire — par écrit, bien qu’ils parlent des langues différentes. Toutes proportions gardées, le Français, l’Anglais et l’Arabe en font autant lorsqu’ils s’échangent des numéros de téléphone, qui s’écrivent de la même façon, mais qui se prononcent différemment.
Au lieu d’une révolution, pourquoi pas une réforme?
Plutôt que d’abandonner les caractères chinois, on a alors cherché à les simplifier, en réduisant le nombre de traits nécessaires pour les tracer. Le comité mis en place dans les années 1950 a établi la liste des 2000 caractères de base que toute personne devrait connaître pour fonctionner convenablement dans la vie courante. Puis il a décidé d’en simplifier 795 et d’en supprimer 31, qui faisaient théoriquement double emploi.
La figure D3.1 indique la distribution des 2000 caractères de base en fonction du nombre de traits, avant et après la réforme. Le nombre moyen de traits par caractère a ainsi été réduit à 8,9, avec un écart type de 3,2. De plus, 71 % des caractères s’écrivent désormais avec 10 traits ou moins alors qu’avant la réforme, cette proportion n’était que de 46 %.
Calculer la moyenne et l’écart type de 2000 éléments n’est pas une mince affaire avec une calculatrice, même si ces éléments sont groupés en une vingtaine de catégories. Par contre, la chose est relativement facile avec un chiffrier électronique. C’est ce que nous avons fait pour les 1969 caractères d’après la réforme (voir tableau D3.1). À vous de trouver la moyenne et l’écart type pour les anciens caractères à l’aide d’un chiffrier électronique.
Un petit casse-tête… chinois
Quel rapport existe-t-il entre feu le président Mao Zedong, mort à Beijing et l’illustre metteur en scène Kurosawa Akira, né à Tokyo? Aucun apparemment, du moins si on se fie uniquement à la transcription en alphabet latin. Toutefois, si on utilise les caractères chinois, on s’aperçoit que ze et sawa s’écrivent de la même façon et veulent donc dire la même chose : le marais ou l’abondance. Tokyo est simplement la capitale de l’est et Beijing la capitale du nord : jing et kyo s’écrivent de la même manière et signifient capitale. C’est pourquoi l’annonce dans le journal d’une visite de Kurosawa à Mao aurait pu être lue ainsi indifféremment par un Chinois ou un Japonais : M. Marais-noir rencontre M. Poil Marais-de-l’est à sa descente de l’avion qui dessert la ligne capitale-de-l’est/capitale-du-nord (voir figure D3.2).
À quand le jumelage entre Trois-Rivières et le Sichuan, et entre la rivière du Cap-rouge (en banlieue de Québec) et Kawasaki (en banlieue de Tokyo)?